Toutes nos activités étaient bien lancées comme partout ailleurs quand la nouvelle de cette épidémie est arrivée jusqu’à nous par les médias. Comment ne pas s’interroger, s’inquiéter quand nos pays d’origine, nos sœurs, nos familles, nos connaissances sont atteintes par ce drôle de virus qui fait remonter le souvenir d’autres virus qui avaient fait tant de victimes en leur temps.
Les premières mesures de l’Etat Ivoirien à la mi-mars ont ramené dans la réalité de notre Région du Poro, au nord de la Côte d’Ivoire, dans notre réalité, l’actualité avec la fermeture des écoles et le renvoi de tous les élèves en confinement à la maison pour éviter la propagation de l’épidémie.
Dans notre communauté Sainte Elisabeth, une question est posée : que faire avec nos structures ? Le Centre Jubilé, accueil de malades mentaux, doit continuer sa mission, le soulagement des malades et de leur famille ne peut pas attendre une hypothétique date de fin de confinement. Pour le Centre des Handicapés Don Orione, il est sûr que les enfants pris en charge en rééducation fonctionnelle et en éducation spécialisée resteront à la maison ou seront pris en charge au CHR de Korhogo car il y aurait un risque trop grand de contamination. Les seuls services qui resteront ouverts avec l’accord des deux personnes qui y travaillent sont l’atelier orthopédique pour l’entretien des divers appareils et des chaussures et l’accueil social qui ne désemplit pas. Des autorités locales ou des personnalités ayant le souci de la survie des personnes, malades ou non, venant jusqu’à nous ont donné des denrées alimentaires de base pour que nous puissions distribuer aux familles dans le besoin. Une grande partie de la population étant dans le travail informel, c’est-à-dire mangeant ce qu’elle a gagné dans la journée ont perdu leur moyen de subsistance avec les mesures prises par le gouvernement et les gens n’ont plus rien à manger et plus rien à donner à leurs enfants !
Alors, en communauté, nous avons opté pour une souplesse dans le confinement et pour une prudence et la mise en place de moyen de protection : lavage des mains et masques lavables en coton double épaisseurs fabriqués par un couturier. Le confinement partiel nous a permis de suivre les travaux de la maison, de travailler à l’ordinateur, et de prendre plus de temps de prière personnelle et aussi communautaire. En effet, cela fait un mois et demi qu’il n’est plus possible de penser les célébrations eucharistiques en paroisse et nous avons été appelées comme toutes nos sœurs à intensifier notre prière pour que le monde sorte de la pandémie et prier avec les malades et leurs familles, avec nos sœurs qui traversent cette Croix et les soignants et les chercheurs qui luttent.
Heureusement, une fois ou deux par semaine, nous avons la chance de vivre la messe dans notre petite chapelle célébrée par un prêtre de la paroisse envoyé par notre curé. Quelques paroissiens se joignent à nous parfois… En ce jour de Résurrection 2020, une femme, rencontrée par notre célébrant du jour priant Marie à la Grotte, est venue vivre l’eucharistie avec notre communauté. A la fin de la célébration, Marie-Lucie s’est levée, en s’excusant pour dire merci tant sa joie était grande. Pour cette chrétienne, anciennement musulmane, cette messe était une bénédiction. Elle ne savait pas qu’elle aurait cette chance et le seul petit billet de 5 000 FCFA destiné à acheter en ce jour de Pâques de quoi partager avec ses proches musulmans, elle l’avait donné comme offrande. Elle était dans l’action de grâce : ce moment était une bénédiction dans toutes les difficultés qu’elle avait à vivre en ces jours !
A notre communauté, ce témoignage reste comme une perle à l’heure où nous voyons monter doucement l’épidémie dans notre pays… Même si l’avenir est incertain, nos projets et programmes chamboulés, avec cette parole, reste comme une espérance : le Seigneur est ressuscité ! Il passe dans notre quotidien !
Sœurs Janine, Giovanna, Denise et Emmanuelle