Filles de la croix

Connaître St André-Hubert Fournet : Etat de la recherche.

  1. Claude GARDA, professeur agrégé dans l'Enseignement Public.

 

En 1835,l'abbé Cousseau publie de façon  anonyme une centaine de pages où il retrace la vie du « pauvre prêtre mort il y a quelques mois dans une paroisse obscure du diocèse de Poitiers, cet homme à peine connu du monde [...], si modeste et si simple dans son extérieur, mais si noble et si grand par son cœur et par ses œuvres". C’est la première biographie proprement dite du Père André, récit plein d’admiration enthousiaste et d’une fiabilité indéniable puisqu’il a été rédigé à chaud. Nous voyons là le Père André animé en toutes circonstances par la charité, comme quelqu’un qui donne tout ce qu’il a au prochain à cause de Dieu et qui se livre ainsi lui-même à l’exemple de Jésus.

 

Du Père Fournet, le premier biographe dit d’abord qu’il a été l’instituteur des Filles de la Croix : au regard de l’histoire c’est vrai, encore que, si l’intuition et l’animation spirituelle de la nouvelle famille religieuse lui appartiennent, c’est plutôt sainte Élisabeth Bichier des Âges qui en a été pratiquement la fondatrice, l’organisatrice et l’âme.

 

Le Père André a assumé la charge de curé pendant la majeure partie de sa vie – pendant au moins 35 ans – et que tout ce qu’il a réalisé, à commencer par l’institution des Filles de la Croix, s’enracine dans son âme de pasteur : un pasteur que taraude, tout autant que le souci du salut des âmes, la hantise des conditions de vie inhumaines autour de lui.

 

Les activités pastorales du Père André – “simple prêtre de la base” dirions-nous à présent –, sauf en ce qu’elles ont d’héroïque et d’extraordinaire pendant la Révolution, tiennent beaucoup moins de place dans les récits publiés  que ses fonctions de fondateur et d’animateur spirituel des Filles de la Croix. Il y a là un certain gauchissement qu’il ne serait pas honnête de dissimuler. Est-il nécessaire d’ajouter que, si l’on rétablissait l’équilibre, autrement dit si l’on mettait l’accent sur le fait qu’il était avant tout un prêtre et que c’est cela qui explique son engagement, son ardeur, ses intuitions, la sainteté du Père André n’en sortirait sûrement pas amoindrie ? De plus, ce qu’il a à nous dire aujourd’hui gagnerait en intensité, tant il est vrai que le passé est plein de leçons opportunes pour le présent à condition que l’on considère le passé tel qu’il est.

 

Aussi importants, sinon plus, que les paroles, il y a les actes, pas seulement les actes que l’on remarque mais plutôt ceux du quotidien, ceux qui le rapprochent de nous et empêchent de le figer en “saint de vitrail”. Il faut qu’on le voie, qu’on l’entende, tel qu’il était, sans prétendre l’enjoliver si peu que ce soit : en a-t-il besoin, d’ailleurs ? Deux remarques à ce propos. Jamais il n’a signé une seule de ses lettres « André-Hubert » ; il signait simplement « André » quand il s’adressait à ses Filles, et « Fournet » quand il écrivait à des amis ou connaissances. Et tous les témoins l’appellent « le Père André ». Pourquoi donc, a posteriori, le parer du prénom composé André-Hubert et tirer d’un juste oubli son deuxième prénom de baptême ?

 – Une modification identique se produira avec la Bonne Sœur, qui se faisait appeler simplement Élisabeth et que nous appelons depuis sa canonisation Jeanne-Élisabeth. – Est-ce pour leur ajouter un certain chic ? La noblesse de cœur, la seule qui compte aux yeux de Dieu, n’est pas là. N’oublions pas que le Père André et Sœur Élisabeth aimaient la simplicité au point d’en faire l’une des marques distinctives de leur famille religieuse.

 

 

 Deuxième remarque : on a souvent tendance à considérer un saint comme quelqu’un de parfait, depuis toujours. Or le Père André, ne l’oublions pas non plus, est un “converti”, et pas seulement dans l’épisode fameux du pauvre dans l’escalier ; il a passé sa vie, jusqu’à ses derniers jours, à s’ajuster continuellement à sa vocation de baptisé, appelant cette quête -– avec le mot prédominant à son époque – « renoncement ». Sa nouvelle biographie, que nous attendons, pour être aussi réussie que celle qu’a écrite Sœur Madeline de Sainte Élisabeth, ne doit pas perdre de vue cet aspect dynamique grâce auquel le Père André a constamment quelque chose de fougueux et donc de jeune, par son sens d’une mission dévorante, par son ardeur jusqu’à la fin, par son inventivité face à des situations inattendues (n’a-t-il pas institué l’alphabétisation ? n’a-t-il pas œuvré dans l’humanitaire ? n’a-t-il pas pourvu à l’animation des paroisses sans prêtre ?...) : une jeunesse, oui, qui franchit même les siècles et dont le goût se communique à ceux qui le regardent réagir et agir.

À lui s’applique la parole prononcée par Jean-Paul II à Lisieux : « Les saints ne vieillissent pratiquement jamais, ils témoignent de la jeunesse de l’Église »

 

                 Enfin, à la question « comment connaître un disparu ? », il faut en joindre une autre, plus nuancée : « comment connaître un saint ? »

 

Ici, il n’est guère facile de parler, surtout en public.

 

Disons simplement qu’un saint comme le Père André n’appartient pas seulement au passé : on le connaît au présent. Il n’est pas un objet d’étude, il est vraiment quelqu’un que l’on sait proche, que l’on fréquente, parce qu’on l’aime. Cette dimension-là du savoir relève de l’expérience de chacun. Et ce n’est pas la moins importante. Cela dépasse le savoir livresque.

 

 

Bref, Saint André se découvre davantage encore lorsqu’on le prie que lorsqu’on l’étudie. Ainsi se vérifie, discrètement mais magnifiquement – tous ses amis le savent bien – ce qui est dit des saints dans une préface des messes de semaine : « Dans leur vie, tu nous procures un modèle, dans la communion avec eux, une famille, et dans leur intercession, un appui. »

Connaître Saint André-Hubert Fournet :
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