Filles de la croix

André-Hubert FOURNET, fondateur des Filles de la Croix.

 Sr. Marie de Magdala

 

 

Ce n'est que vers 60 ans,  pour répondre avec fidélité à sa mission de curé,  qu'il s'engagea, sans en être bien conscient d'abord et bientôt presque contre son gré, dans la fondation d'une Congrégation.

Il faut faire remarquer le rôle essentiel joué par Ste Jeanne-Elisabeth. Le Père Fournet, avec bon sens et humilité, a laissé à cette femme la place que lui valaient ses qualités pour l'administration, son sens des relations et surtout son amour pour les petits. Sur ce point, le prêtre et la religieuse ont été d'une complémentarité remarquable.

 

Après la rencontre des Marsyllis, depuis son presbytère de Maillé, le Père Fournet suit le parcours de la jeune demoiselle qu'il a rencontré… et très vite donne un sens à l'engagement d'Elisabeth : "A quoi pensez-vous…hâtez-vous de venir ici…venez…"Il lui parle d'appel pour le combat, de la hâte qu'il faut apporter à la réponse : urgence de la mission.

Dans une lettre au Père Coudrin, le Père Fournet décrit l'état de sa paroisse : "              nous avons presque les deux extrêmes parmi nous. Une association de saintes filles réunies à Molante se dévouant au soin des malades du canton et à l'instruction de la jeunesse, de très saintes femmes répandues dans les différents villages et une poignée d'hommes, voilà ce qui compose parmi nous l'Eglise de Notre-Seigneur quant à l'esprit."

De saintes filles réunies à Molante au service de l'Eglise… : leur vie commune, consacrée au Seigneur dans la simplicité, unit les temps de prière et d'adoration des contemplatives, le travail apostolique auprès de la population et les tâches de femmes de la campagne.

Au cours d'une visite chez les Sœurs du Verbe Incarné à Chavagnes, Elisabeth reçoit  du Père Baudoin la certitude que Dieu l'appelle à participer avec le Père Fournet à faire grandir le germe d'une famille religieuse originale : " Les vues que M.Fournet a sur vous sont celles de Dieu. Allez sans crainte."

En 1810, le Père se voit dans l'obligation de faire reconnaître par le diocèse la communauté de Molante comme Congrégation autonome. Il lui faut présenter la Règle de vie. Il demande à Sr. Elisabeth de mettre par écrit ce qu'elle juge fondamental. " Elle le fit en toute simplicité, au courant de la plume, et lui remit son travail"(Rigaud).

Le Père va s'inspirer de cet écrit et de l'expérience acquise et va rédiger les "Constitutions et Règlement des pauvres Filles de la Croix…", texte théologiquement ancré dans la spiritualité de l'Ecole Française.

On y remarque quelques traits spécifiques de la simplicité voulue par le Père, les conseils de sagesse, de bon sens, "consultant plus l'esprit que la lettre du règlement".

De Molante, la communauté qui s'est agrandie va s'installer à La Puye. C'est en 1820 que le curé de Maillé laisse sa paroisse pour venir s'installer lui-aussi à La Puye. Des fondations ont lieu à travers la France ; il faut envisager de nombreux déplacements. C'est surtout Sr. Elisabeth qui  voyage. Il est la lampe de la maison.

En lien avec sa difficulté à se déplacer; le Père Fournet pense à la possibilité de voir se préparer des prêtres qui puissent aider les sœurs dans leur vie spirituelle, parce qu'ils vivent du même esprit. Il ébauche pour cela la Règle des Serviteurs de la Croix. Des prêtres, surtout du diocèse de Poitiers, sont réunis pour former une sorte d'association pieuse.

Particulièrement touché par la Révolution de 1830, le Père André approche de 80 Ans, il est souvent malade. Dans la correspondance aux Sœurs on repère quelques thèmes : prières de réparation, craintes pour les voyages, prudence dans les relations avec l'extérieur et plus que jamais grand abandon à la volonté de Dieu.

A La Puye, le bon Père assiste toujours aux délibérations du Conseil où l'on décide de l'admission des novices, de nouvelles fondations et des obédiences à donner. Il connaît toutes les sœurs. Sa référence perpétuelle est la personne de Jésus Christ, en son mystère "de la Crèche, de la Croix et de l'Autel ".

Les sœurs  le regardent beaucoup : sa façon de prier les étonne ou les provoque. Rien n'existe pour lui que sa relation avec son Seigneur ; il célèbre la messe très lentement et dit souvent un mot d'explication de l'Evangile. Les catéchismes aux Sœurs et les instructions sont des moments privilégiés ; il y transmet avec vigueur ce que l'habite.

Le nombre d'heures passées au confessionnal est impressionnant. Le temps des retraites annuelles est aussi marqué par cette ampleur de la mission de direction spirituelle. Il prêchera des retraites tant qu'il le pourra, bien persuadé que le prédicateur est l'Esprit Saint. "l'essentiel, c'est la retraite de l'esprit et du cœur en Dieu, pour connaître Notre Seigneur Jésus, le connaître, le former en nous : le spectacle de l'univers, le crucifix, l'autel, le tabernacle, la Ste Table, en voilà assez pour faire une bonne retraite. Tout cela se trouve là où vous êtes."

Ecrire est pour le bon Père une manière de continuer l'essentiel de son ministère : conseils spirituels, réflexions sur la vie de foi, contemplation des mystères de la vie de Jésus Christ. " Représenter la vie de Notre Seigneur et la simplicité de son Evangile" sera l'essentiel et la constante du message.

Les forces déclinent et le Père André ne peut plus assurer les longues heures de confessions. Il continue à écrire, à suivre des retraites à Poitiers et laisse sa place à son successeur.

Abandonné entre les mains de Dieu, il ne possède rien depuis longtemps…

Le 16 mai, la Bonne Sœur écrit à toutes les Filles de la Croix : " Notre cœur à toutes était réservé à une désolation profonde…Celui qui fut notre modèle, notre guide, notre instituteur, notre Père vient de nous être enlevé… sa maladie, pendant laquelle il  fut constamment occupé de Dieu seul, ce furent pour lui des jours de consommation en amour. En mourant, il nous a laissé  pour héritage son esprit de foi et de prière, de mortification et de charité. Toutes, mes chères Sœurs, nous nous sentons pressées, étant ses filles, de devenir ses imitatrices et j'ai confiance qu'il est déjà notre protecteur auprès de Dieu; dans notre douleur, il nous reste une consolation…Dieu a pourvu à nos besoins en nous désignant pour Supérieur, M. L'abbé Taury, que le Père avait choisi lui-même pour lui succéder."

 

Le message reçu à l'escalier du presbytère de Maillé, transmis à la grange des Marsyllis, il l'a vécu jusqu'à sa fine pointe. L'essentiel en est ce qui l'habite en ce moment ultime de sa vie : procurer à travers la vie et les œuvres de ses filles, la Gloire de la Sainte Trinité.

Nous laisser conduire par l'Esprit (cf. testament) nous amènera tous, et nous Filles de la Croix qui avons reçu le message, à accueillir, quelque étrange que soit la façon dont elle se présente, la grâce toujours nécessaire de la conversion, à aimer et à servir l'Eglise, Corps du Christ, en chacun de ses aujourd'hui, à savoir le reconnaître, Lui, le Christ de la Crèche, de la Croix et de l'Autel, à travers les visages de tous ceux qu'il nous donne comme frères, spécialement les petits, les souffrants,  et tous ceux qui manquent d'amour.

André-Hubert FOURNET, fondateur des Filles de la Croix.

Document complet de Sr. Marie de Magdala