La rencontre à l’escalier
1783…Le curé doyen de St Pierre de Maillé, André Hubert Fournet, a 30 ans.
Tout bon prêtre qu’il soit, il n’échappe pas aux règles de son temps,
en son presbytère cossu, il est d’un certain monde,
il est d’Église, il est privilégié…
Et sa vie, toute à fait régulière, n’est pas celle de la majorité de ses paroissiens !
Le presbytère qu’il habite, est une des plus belles maisons de St Pierre de Maillé .
Son grand père Louis Fournet,
qui a réussi à acheter des titres denoblesse fut le notable ici.
Si André Hubert est devenu prêtre c’est un peu pour prendre à St Pierre de Maillé,
la place bien rentée qu’occupait son oncle, l’ancien doyen.
Il peut mener sa mission de pasteur et une vie confortable :
il aime recevoir des amis et - pourquoi pas ?
– les recevoir pour de bons repas.
Ce jour-là, l’apparition du mendiant déguenillé, sur le seuil de la salle à
manger, au moment où la table attend les invités, tombe plutôt mal…
« Un peu d’argent, Monsieur le Curé, s’il vous plaît.»
« De l’argent, mon brave, je n’en ai pas.
Je vais vous donner un morceau de pain… »
Un éclair dans les yeux du gueux et ce cri de révolte :
« Ah ! Monsieur le curé, vous dites que vous n’avez pas d’argent…
mais regardez donc, votre table en est couverte… »
Couverts, aiguières, chandeliers…d’argent.
Le décor est parfait dans la salle à manger…
Après quelques paroles violentes, le mendiant anonyme est reparti.
André Hubert Fournet, lui, est resté sur le seuil.
Il n’oubliera jamais cette rencontre et les mots qui l’accompagnaient.
Elle lui criait la Vérité qui rend libre, dit l’Écriture (Jean 8, 32).
Au-delà des convenances, des us et des coutumes, des observances
normalement accomplies de sa mission de curé, elle lui criait quelque
chose de l’Évangile de Jésus-Christ !
André Hubert Fournet connaissait l’Évangile par coeur,
en latin et en français,
mais par la bouche de ce pauvre homme,
il venait de l’ entendre autrement,
avec le poids et le sens qu’ont les mots
et les situations de la vie quotidienne…les mots,
la vie de tous les jours…
De cette rencontre, il ne s’en remettrait jamais,
il l’évoquerait plus tard avec grande humilité.
Bouleversé, il va changer de vie en son presbytère de St Pierre de Maillé.
Des mots d’Évangile l’habitent.
Non pas seulement des mots pris dans le gros évangéliaire
enluminé de l’église, mais collant à la réalité… comme en ce lieu
et ce moment où la Parole et la Présence de Celui qu’il appelle
Notre Seigneur Jésus étaient devenues si concrètes…
Désormais, il l’entend lui dire, à lui personnellement :
« Si tu veux être parfait, va, vends, donne aux pauvres et puis,
viens… viens…suis-moi…»
Il suivra de près Celui qu’il nomme avec tant d’amour
« le Christ de la Crèche, de la Croix et de l’Autel ».
Il le suivra en pauvre,… il aidera d’autres à le suivre,
Et ce sera son si long et si simple chemin de sainteté…
La Puye, 26 Mars 2010 Sr Marie de Magdala
(Poême de Sr Marie de Magdala : 1783…Le curé doyen de St Pierre de Maillé, André Hubert Fournet, a 30 ans. Tout bon prêtre qu’il soit, il n’échappe pas aux règles de son temps, en son presbytère cossu, il est d’un certain monde, il est d’Église, il est privilégié…)