Filles de la croix

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En mission en Thaïlande
Jan 12, 2013

Bonjour et bienvenue à l’émission de Laudate, sur les chemins du monde avec Marie ! 

Cette semaine, comme promis, c’est un chant tout dédié à Marie qui couronne cette émission. Et pour que vous en soyez bien assuré, je vous en ai réservé un en français ! Pour cela, j’ai rencontré la communauté des Filles de la Croix. Cette communauté est en mission à Mae Tan, la ville la plus proche de chez moi. Et comme vous allez le voir, c’est une communauté un peu particulière, car elle est francophone ! Alors que font des religieuses francophones chez les Karens ? Qui sont les filles de la Croix ? Et quels chants vous ont-elles réservé ? C’est le sujet de cette émission.

Voici quatre mois que je suis en mission chez les karens. Dans mon village, l’électricité n’a pas encore été reliée. Aussi, pour vous envoyer votre émission préférée, il faut que je me rende chaque semaine à Mae Tan, à 15 kilomètres d’ici. A chaque fois cela se passe de la même façon : d’abord, je branche mon ordi et lance le chargement de l’émission sur internet. Et tout de suite après, je vais saluer les Filles de la Croix. Elles sont 5, venus du monde entier en cette mission d’accueil des karens. Elles sont toutes francophones, mais attention, elles ne sont pas toutes françaises, il vaut mieux s’en souvenir ! D’abord, parce que sinon la sœur canadienne de la communauté, sœur Diane, risquerait de vous étriper. Ensuite, parce que ce serait perdre les couleurs de cette communauté, qui a tant à raconter. Comme vous l’avez compris, je les connais un peu, et je peux vous assurer qu’il y a beaucoup à dire ! Alors ne perdons plus de temps et commençons dans l’ordre : 

Qui sont les Filles de la Croix ?

 En quelques mots, il s’agit d’une congrégation de religieuses, qui cherche à vivre au milieu du monde, selon ces deux maîtres mots : simplicité et partage. Leur action s’accomplit dans le fait de prier ensemble, d’enseigner le catéchisme, de soigner les malades, et de rassembler les gens. Leur charisme en une phrase : « Représenter la vie de notre Seigneur et la simplicité de son évangile par toutes sortes de bonnes œuvres ». Ça, c’est un très bref résumé, pour ceux qui n’ont pas beaucoup de temps.

Mais sœur Marthe, qui est la supérieure générale de la congrégation, de passage à Mae Tan, ne m’a pas répondu ainsi. Sa première réponse fut : « Les filles de la Croix, et bien je ne sais pas très bien ce que c’est ». Et pour cause, comme la plupart des congrégations, on ne peut pas connaître les filles de la Croix dans une définition toute faite. Au milieu du monde, elles évoluent avec lui.

Enfin, on peut quand même en dire un mot, sans se tromper : 
D’abord, les filles de la Croix ont deux fondateurs : un prêtre, Saint André Hubert, curé de paroisse en odeur de sainteté de son vivant. Et une femme, Sainte Jeanne Élisabeth Bichier des Ages, qui voulait devenir religieuse. 
Nous sommes en 1807, après la Révolution. Les temps sont durs pour l’Eglise, est être religieuse est devenu difficile. Jeanne-Elisabeth choisit d’aller voir ce prêtre a bonne renommée pour lui proposer ses services. Elle est d’une famille noble, aisée, elle a un château, des domestiques, et des relations dans le monde, bref, elle pourrait faire venir ce curé de paroisse chez elle. Pourtant, c’est dans une grange que s’effectue leur première rencontre. Lors d’une messe de minuit, au milieu des paysans, la congrégation des Filles de la Croix va naître.

La Croix a beaucoup marqué la région du Poitou où vivent nos deux fondateurs. Et en cette époque où l’Eglise souffre de persécution, on comprend vite le lien aux filles de la Croix. Cependant, le lien est plus personnel que cela.

Sainte Jeanne-Elisabeth portait autour du cou une croix avec laquelle elle s’est blessée un jour. Durant toute sa vie, cette blessure en forme de croix restera ouverte et gravée sur sa peau.

De là, la congrégation qui s’est formée par cette sainte fut très marquée par la souffrance, la souffrance de la Croix. Cette souffrance que tout chrétien est amené à partager. La souffrance des plus pauvres, des malades, la souffrance qu’il s’agit d’aider à supporter. 
Mais il faut faire attention, ce n’est la souffrance, pour l’amour de la souffrance. La Croix ce n’est pas le but recherché, ce n’est pas la fin.  
Les filles de la Croix, ce sont celles qui sont nées de la Croix. Ou comment dire plus clairement que la Croix amène la vie ? Dans leur règle de vie, il est écrit : Naître de la Croix, c’est « annoncer à travers notre vie la parole d’espérance qui vient de la Croix ».

On n’ose plus trop en parler aujourd’hui, mais pour arriver à la résurrection, il faut passer par la Croix. Et c’est un sacré message d’espérance que la résurrection. Oui, par leur nom, ces religieuses témoignent qu’il y a quelque chose après la Croix. S’il y a des « filles de la Croix », c’est qu’après la Croix, vient la vie.

Ce message Sainte Jeanne Elisabeth Bichier des Ages va le vivre pleinement tout au long de sa vie. Et c’est par son rayonnement, que d’autres femmes vont la rejoindre. Les congrégations voisines les encouragent à développer leur spécificité.

Et ainsi, grandit l'institut des filles de la Croix.

Peu à peu, la congrégation s’étend, et touche les pays voisins : la Belgique, la Hongrie, l’Italie et l’Espagne. Plus tard, à la suite de la loi de 1904, certaines sœurs iront se réfugier au Canada. A chaque fois, ces extensions vont se faire par relation.

Parce que les Filles de la Croix proposent leur service, parce qu’il y a un endroit où il y a des besoins, parce qu’il y a quelqu’un pour les appeler, elles fondent une nouvelle mission. Ainsi trouve-t-on également des filles de la Croix en Argentine, au Brésil, au Burkina, en Côte d'Ivoire, et enfin, avant le régime communiste, en Chine.

Comme vous le voyez cette communauté s’est donc étendue dans le monde entier, et pourtant, il faut préciser qu’elle n’est pas missionnaire. Ce ne sont ni des pères blancs, ni des MEP. Mais, comme le disait Sœur Marthe, être chrétien, c’est être missionnaire ! Alors, quand elle en a l’occasion la congrégation part en mission.

Et voilà, maintenant vous en savez autant que moi sur les Filles de la Croix. Il reste pourtant encore quelques questions : Comment sont-elles arrivées à Mae Tan, en quoi consiste leur mission et puis, quel rapport avec Marie.

Je réponds tout de suite à la première question, les autres viendront après leur chant. 
Il faut savoir que la mission de Mae Tan est la seule des Filles de la Croix en Asie.  Depuis le régime communiste en Chine, la congrégation voulait revenir en Asie. En 2007, elle a fêté ses deux cents ans. Ce fut l'occasion pour aller en Asie. Les pères de Betharram sont depuis toujours en lien avec les filles de la Croix, et œuvrent chez les Karens. Comme il y avait de quoi faire, une mission s’est fondée. Toute la congrégation voulait y participer alors ce sont des sœurs de tous les horizons qui furent envoyées. On trouve ainsi, deux françaises, une italienne, une canadienne et une brésilienne. Je vous laisse les écouter chanter avant de vous parler d’elles et de Marie.

Chant :
3) La première en chemin pour suivre au golgotha,
Le Fils de ton amour, que tous ont condamné.
Tu te tiens là debout au plus près de la croix 
Pour recueillir la vie de son cœur transpercé.
Refrain : Marche avec nous Marie sur nos chemins de croix
Ils sont chemins vers Dieu, ils sont chemins vers Dieu.

4) La première en chemin avec l'Église en marche,
Dès les commencements, tu appelles l'Esprit, 
En ce monde aujourd'hui, assure notre marche, 
Que grandisse le corps, de ton Fils Jésus Christ.
Refrain : Marche avec nous Marie, aux chemins de ce monde, 
Ils sont chemins vers Dieu, ils sont chemins vers Dieu.

C'était « La première en chemin », chanté par la communauté des Filles de la Croix, à Mae Tan, le 19 décembre dernier. 

Que dire de ce chant ? Vous l'avez entendu, sans trompette ni tambour, il est chanté bien simplement. 6 voix, les cinq sœurs en mission ici, et la supérieure générale de la congrégation. 6 voix qui ont tous les accents du monde pour chanter les deux derniers couplets d'un chant qu'on connait par cœur. 
Cet enregistrement colle très bien à la peau de cette communauté ! Pas de trompettes, pas de tambour, mais de la simplicité, et en faisant attention à ce que l'on dit. La supérieure générale est au même rang que les autres, car elles portent toutes le nom de sœur, toutes pour le même service dans le monde. Dans le monde des plus simples, des plus pauvres, mais aussi, dans le monde entier ! Les accents venus de toutes parts nous le rappellent. 

Mais maintenant, parlons des sœurs. Qui sont-elles et que font-elles dans cette mission de Mae Tan ? 
Il faut se douter que les sœurs n'allaient pas se contenter d'une activité, surtout pour une première mission en Asie. 

Il y a 5 principaux pôles :

Le premier, c'est la prière. Il s'agit d'offrir une dimension spirituelle aux chrétiens des environs. La prière est ainsi dite en communauté matin et soir, et le samedi et le dimanche soir, proposée à tous. Les sœurs ont le Saint Sacrement, pour les Karens, c'est une chance de pouvoir prier auprès du Christ.

Le deuxième pôle, c'est la maison d'accueil. La sœur Neuza, originaire du Brésil, est responsable de ce pôle. En effet, les sœurs ne se sont pas installées n'importe où. Mae Tan est une ville étape lorsque l'on descend de la montagne. C'est là que les villages les plus reculés descendent pour s'approvisionner, se soigner, aller à l'école, ou pour les papiers administratifs. Les sœurs s'occupent d'une maison qui permet d'accueillir les Karens pour passer une nuit ou prendre un repas gratuitement. Le côté spi est essentiel, mais il faut aussi nourrir les ventres, et la maison d'accueil est là pour ça.

Le troisième, c'est l'atelier couture. La sœur italienne Teresa, et la sœur Bernadette de Toulouse coordonnent cela. L'atelier couture de Mae Tan, c'est l'un des ateliers de couture de l'association Esprit Karen. Il s'agit de préserver et de mettre en valeur la tradition de tissage des femmes Karens. A partir du tissu fait à la main, les couturières de cet atelier produisent des petits objets vendus en France. Sur le podcast de cette émission, vous pouvez retrouver le lien vers l'association Esprit Karen pour vous procurer ces produits*. Le travail des sœurs n'est cependant pas la couture, mais plutôt la traduction. Car lorsque vous demandez des beaux produits karens, un processus s'enclenche, et sans personne pour expliquer, les couturières seraient perdues. Ainsi les sœurs sont là pour faire le lien.

Le quatrième pôle c'est l'accompagnement des volontaires MEP de Thaïlande. La sœur Marie-Christine, originaire de l'Inde mais ayant vécue toute sa vie à Paris, en est chargée. Elle aide en cela le père MEP, Nicolas Lefebure, pour conseiller et soutenir les volontaires en mission. Dans la même idée, en projet, vient l'accompagnement des catéchistes de la région. Cela se réalisera par exemple dans un partage d'évangile régulier dans un village.

 Le cinquième pôle est également sous forme de projet. La sœur Diane, canadienne, est responsable du projet. Il s'agit du pôle santé, qui consiste à aider un infirmier karen à rejoindre les villages. Les hôpitaux ne sont pas toujours proches, et les plus jeunes ou les plus vieux peuvent difficilement s'y rendre. Il s'agit ainsi de faire venir la santé à eux, en apportant médicaments et soins.

 Enfin, voici le sixième pôle, qui n'en est pas vraiment un. Tout à l'heure nous disions que le charisme de ces sœurs était de « représenter la vie de notre Seigneur par toute sorte de bonnes œuvres ». Et cela consiste avant tout dans les petites choses. La visite d'un malade, une discussion, un coup de main, un moment passé ensemble. 

Voilà donc ce que sont les sœurs de Mae Tan. Cette communauté riche en couleur, en accent et en culture n'a pas vraiment voulu être enregistrée. Un chant ça va, mais pour la suite, elles préfèrent rester discrètes. Alors pour finir cette émission plutôt que de vous les faire entendre, je vais simplement les citer au sujet de Marie. 

Je leur ai posé une question, « qui est Sainte Marie pour vous ? »

La sœur brésilienne Neuza répond en premier : « Marie, c'est la femme forte qui a dit oui et qui en a subi les conséquences ». Sœur Theresa, italienne, continue : « c’est une mama, elle est avec nous pour nous conduire par la main vers son fils ».
Chez la Sœur Diane, la sœur canadienne, une autre image la touche : « Marie, pour moi, c'est la visitation : Elle reçoit en Elle Jésus et court le porter à Elisabeth. Il s'agit de vivre Jésus comme Marie. ». Arrive le tour de la sœur Marthe. C'est la supérieure générale de la congrégation. Deux visages de Marie ressortent particulièrement : D'abord « la femme forte, debout. » et puis, ajoute-t-elle, Marie est aussi « celle qui accompagne son fils, elle est présente dans la croissance de la vie de Jésus ».

La Sœur Marie-Christine, venant de Paris, précise le lien avec sa communauté : « Marie, c'est la femme debout devant la Croix. C’est la première fille de la Croix. Après la Croix, et avant la résurrection, rien n'est dit dans l'Évangile. Mais Marie croit. ». Enfin, la sœur Bernadette, conclut ce tour de témoignage. Elle vient de Toulouse. Comme toujours dans ce genre de témoignage, il est plus difficile de passer la dernière et de ne pas dire la même chose. Marie au pied de la Croix est ancrée profondément chez les filles de la Croix, alors évidemment, en un mot la Sœur Bernadette dit qui est Marie pour elle : « Marie, c'est celle debout au pied de la Croix. », mais elle précise ce qui la touche personnellement : « debout, car elle a une foi qui lui permet de rester debout ». 

Et voilà, l'émission prend fin, les filles de la Croix ont beaucoup à raconter, alors la découverte de cette semaine ne sera pas longue. Il y a quelques semaines simplement, je vous disais ma surprise sur le calendrier Thaï. En effet, ils fêtent le nouvel an le même jour que nous. Et je ne savais pas pourquoi. Depuis mon enquête a avancé, la date était précédemment aux alentours du 14 avril, mais sous l'influence de l'occident c'est aujourd'hui le premier janvier. Cela donne une idée de l'impact entre ces deux cultures. Reste encore à trouver pourquoi le dimanche est le « jour du repos » chez les karens. 

Par Etienne, Jeune volontaire MEP